On donne ce nom à une roche qui s’élève en forme de tour dans le défilé qu’il faut franchir pour aller de Cordes à Saint Marcel. C’est par là que passèrent les soldats de Simon de Montfort* lorsqu’ils vinrent attaquer et prendre d’assaut le château où s’étaient réfugiés bon nombre d’hérétiques lesquels furent en grande partie massacrés ou brûlés.Ce lieu est regardé comme néfaste on y passe en frissonnant et on tremble que des éclats du rocher entassés sur la montagne ne se détachent et ne nous écrasent.
*l’an 1213 l’évêque d’Alby logea pendant 3 ans Simon et paya les frais du siège de Saint-Marcel ainsi que celui de Penne.

Dans ce siècle de lumières les habitants de nos contrées ne croient plus aux fées habitant ce château mais il pensent qu’un diable y a fixé sa demeure ; c’est par lui qu’ils jurent, c’est à lui qu’ils envoient tout ce qui leur déplait et ils croient en général que ce prince des ténèbres à pour « castel ferrie » une prédilection toute particulière qu’il y réside même la plus part du temps et surtout en hiver au milieu des loups, des renards et des serpents.
Un assez mauvais sujet, un dissipateur nommé B…avait des dettes; il voit un jour l’huissier C… arriver chez lui avec un exploit à la main.
– Mon ami, lui dit-il, je suis sans un sou mais j’espère être bientôt en mesure grâce à une résolution extrême que je viens de prendre pour un quart, veuillez bien m’aider dans mon projet.
– De quoi s’agit-il ?
– Il faut que tu ailles à « castel ferrie »que tu parles au diable qui y fait sa demeure et que tu lui dises que je m’abandonne à lui après ma mort s’il veut me donner une somme ronde de mille louis bien trébuchants; tu pourras même réduire la demande si tu le crois nécessaire.

- J’irai volontiers, dit le sergent charmé de rire au dépend de B…mais si je ne trouve pas le diable à « castel ferrie »
- Alors tu lui signifieras un acte d’offre de ma part.
- Je comprends : avoir injonction de se trouver dans un lieu désigné un certain jour et heure pour faire votre traité.
Justement ici plusieurs obstacles se présentèrent à l’huissier :
- Si je ne trouve pas le diable je serai obligé de remettre la copie au maire de Saint Marcel qui visera l’original. Il me faudra ensuite porter cet acte sur mon répertoire sous peine d’amande puis le faire enregistrer. Cet acte passera sous les yeux du receveur, du vérificateur, de l’inspecteur et ces messieurs pourraient bien trouver dans tout cela matière à verbaliser. Je serai peut-être suspendu de mes fonctions, condamné à quelque grosse amande. Le diable ne me fait pas autant peur que ces hommes là.
- Je pense que ce que tu as de mieux à faire est de traiter directement avec lui sans avoir recours au ministère des huissiers.
Et l’affaire en resta là.

Quelques temps après le bruit courut dans le pays que Martinez, déserteur espagnol domicilié depuis longtemps à Cordes, ayant passé près du « castel ferrie » le diable l’avait saisi avec ses griffes au toupet l’avait enlevé dans les airs puis laissé tomber sur les rochers neigeux de la montagne.
Ce qu’il y avait de certain c’est que Martinez était couvert de contusions de blessures de la tête aux pieds.
Comme je savais que cet individu ne menait pas une conduite très particulière je pensais qu’il avait peut-être été surpris en maraude et frappé outre mesure par quelque paysan pas content.
Je le fis appeler pour recevoir de lui quelques éclaircissements sur cette affaire.


-Ne croyez pas, me dit-il, les contes que l’on débite, je ne crains pas plus le diable que je ne pourrais craindre un enfant en maillot, j’ai de quoi faire trembler et mettre en fuite l’esprit malin, regardez ce chapelet, il ne me quitte jamais, il a été béni à Saint Jacques en Galice et je puis passer hardiment avec lui près de « castel ferrie » mais malheureusement le jour de mon accident j’avais bu outre mesure du mauvais vin de Monestié et en passant dans un étroit sentier de la montagne je glissais
et roulais jusqu’au fonds ce qui fut cause de toutes les blessures que je reçus et que l’on a supposé venir du diable.
