Saint Marcel, grand ancêtre


« Saint-Marcel qui se situe à quelques kilomètres de Cordes sur Ciel, et à trois cents mètres environ au-dessus du niveau de la mer, apparaît à l’horizon de la pensée, du souvenir – et même de la réalité – couleur du temps, bleu de lointain, comparable à quelqu’une de ces antiques tapisseries dites « verdures », sorties des grands ateliers de France.

Pour peu que l’on soit fanatique, visionnaire, capable d’imagination, c’est à dire digne de voir ce qui reste en de tels lieux quand il n’y reste plus rien (ou presque), cette tapisserie s’anime d’une survie magique et l’on peut, du café, sur la place de la Bride, assister à une magnifique représentation; oui ! l’on peut voir tourner les pages de l’Histoire et particulièrement voir défiler le Moyen Age et la guerre des Albigeois dans leur splendeur poétique, et dans leurs horreurs et leurs carnages (que, du reste, l’on considère avec cet interêt ingénu, ce détachement artistique qu’éprouve, devant de tels spectacles, celui qui ne risque plus rien).

Adoncques, au-dessus d’une large et claire vallée, au-devant d’une incommensurable, d’une impénétrable et sombre forêt, s’érige un lieu prédestiné; il a vu le cataclysme préhistorique qui engloutit, alentours avec ses monstres et ses végétaux antidéluviens, tout ce qui devait fabriquer le charbon de Carmaux.
Il a connu les Celtes (tolosates), les Romains et leurs dieux et leurs verreries (de La Fenarié); il a vu passer Clovis, Brunehaut, Dagobert, les Rois Fainéants, les Maures; il a pu voir sortir du Pic de Mordagne l’étoile miraculeuse destinée à guider les pélerins vers Saint-Jacques-de-Compostelle; il a pu entendre (si le vent portait) le suprême appel de Rolland à Roncevaux: entre-temps il a vu venir le christianisme et, prenant le nom de saint Marcel, martyr des persécutions, il a bâti et dédié à l’archange saint Michel une humble chapelle, remplaçant le temple des Faux Dieux Romains. Enfin, vers le XIIème siècle, il est le fief choisi du Comte de Toulouse.
…La cité, très hardiment plantée, jette en plein son élévation et sa gloire, la Croix de Toulouse domine la Tour du Guet… »
                                        Jeanne RAMEL-CALS, 1954  in « Cordes à travers son temps « – 2009