
La caselle de BOURNAZEL
Les caselles sont des cabanes en pierre sèche, de taille variable, servant autrefois d’abri pour les humains ou les animaux ou de resserre-à-outils ; on les trouve surtout dans le haut Quercy en particulier dans les causses au nord de la vallée du Lot (causse de Gramat). Elles sont appelées « bories » dans le Vaucluse.
Mais on en trouve aussi dans notre région, en particulier il en existe une magnifique sur le causse de Bournazel, près du château de Boisse, propriété de Claude PELRAS.
Origine du terme et extension géographique
Caselle ou casèle, est une forme francisée du quercinois casèlo (occitan normalisé casèla). Le terme se rencontre aussi en Lozère sur le causse Méjean occidental, et sur le causse de Sauveterre ;dans l’Aveyron, le causse Comtal et le causse Rouge; dans l’Hérault sur la continuation du causse du Larzac : les communes du Cros et de Saint-Michel de Soubès et de Sigean; la forme palatalisée chaselle / chasèle a cours en Lozère sur le causse Méjean oriental et sur le causse de Sauveterre.
[]Le terme casèlo désigne les édifices de plan circulaire ou quadrangulaire à toit conique de lauses sur voûte encorbellée.
Cependant, certains auteurs ont embrouillé la situation terminologique en appliquant systématiquement et indistinctement la francisation caselle non seulement aux guérites de murailles (ou gariottes) et aux cabanes en pierre sèche mais aussi à des bâtiments en maçonnerie liée au mortier et d’un niveau plus élevé dans la hiérarchie architecturale.
Le vocable cabano (occitan normalisé cabana) appartient au sud de la vallée du Lot, où il désigne toute cabane en pierre sèche, à l’exception de la guérite rudimentaire.
[]Son équivalent français, cabane, suivi du qualificatif « de pierre sèche », possède une valeur générique.
Il convient par ailleurs de noter que les constructeurs et propriétaires des bâtiments en pierre sèche n’employaient pas nécessairement casèlo ou cabano : ils recouraient aussi à des désignatifs fonctionnels : poulailler (galinièr, lorsqu’il est intégré à la ferme, galinyèro lorsqu’il est en plein champ), étable (estable), bergerie (jasso), garde-pile (gardo-pilo), chai (tsai), pigeonnier (pixouniè)…
Principes de construction
Il est établi que les petits édifices en pierre sèche des causses du Quercy ne datent que du XIXe siècle et de la deuxième moitié du XVIIIe ; ils sont liés à la conquête paysanne du sol, commencée vers la fin de l’Ancien Régime et poursuivie durant la majeure partie du XIXe siècle, par contre l’incertitude est grande quant à l’existence d’ouvrages antérieurs.
[]L’emploi dès le XVe siècle, du terme cazela pour désigner un genre de cabane en pierres, ne permet pas d’indiquer si au Moyen Âge on entendait par casèlo exactement la même chose qu’au XIXe siècle.
[]Tout historien de l’architecture sait en effet qu’il n’existe pas de type architectural qui perdure, inchangé, indémodable, cinq siècles durant, les productions architecturales étant soumises au progrès de l’économie et de l’outillage.
En effet, ce type architectural répondait à certaines règles :
1 – Les dalles de pierre devaient impérativement se recouvrir en « encorbellement ». Puisqu’il n’y a pas de charpente, il faut bien que la voûte soit soutenue par son propre poids. Les plus grosses dalles étaient posées à la base de la toiture, sur le haut des murs où on réalisait un premier cercle.
2 – Ici se place une seconde règle :
Il faut donner une inclinaison à ces dalles. Une dizaine de degrés suffit. Pourquoi ? S’il n’y avait pas de pente, l’eau de pluie arriverait à s’infiltrer dans le toit et par le biais du gel, à le détruire. Donc l’eau glisse et est éjectée hors les murs…
On place la seconde rangée de dalles, à cheval sur la première, avec l’inclinaison voulue et décalée vers l’intérieur d’un quart de la largeur. Ce système, par encorbellement (vient du mot corbeau, qui est un support en maçonnerie) permet à la couche inférieure de soutenir celle immédiatement supérieure et à celle qui est au dessus de l’autre, de la stabiliser par son propre poids.
3 – Là, vient se caler une troisième règle :
Plus on monte, plus la taille, le volume, la superficie des dalles de calcaire ou de schiste doit aller en diminuant pour alléger la charge sur la voûte.
Fonctions des caselles
Pour comprendre, il faut revenir à la typologie générale des constructions à pierre sèche, et c’est une histoire qui commence avec….l’agriculture.
Issue de l’épierrement des champs après les labours, la pierre n’est pas recherchée en tant que telle, comme matériau. Elle constitue plutôt un déblai important qu’il convient d’éliminer. Le mode présent que nous utilisons ici est celui, bien sûr, du XIX° siècle, cette période d’intense activité rurale, entre 1830 et 1880,qui voit se généraliser l’usage nouveau de charrues véritables; contrairement aux antiques araires qui égratignaient le sol, qui le scarifiaient, ces charrues à soc et versoir vont plus profond, détachent les couches superficielles de calcaire altéré et en ramènent à la surface les blocs plus ou moins volumineux. Le déblai est abondant et lourd.
Il est donc exclu de le transporter au loin. Il va rester aux bords des champs, sous deux formes : les décharges en vrac, en tas, en cayrous, et les murettes….
D’autre part, la vie paysanne, si elle est faite de cultures et de labours, possède une forte composante d’élevage. Petit et gros cheptel sont présents sur toute ferme, de la vache à la brebis, en passant par la chèvre, l’oie, le dindon et quelques autres. Il faut les nourrir en les menant sur diverses pièces de terre de l’exploitation, selon un parcours varié et une rotation subtile, établis en fonction des étapes du travail agricole, des saisons, de la nature des animaux, de leur âge, etc.
Ce parcours fin et ces séjours très dosés sur de multiples parcelles exigent un gardiennage permanent assuré par les enfants, les adolescents, ou les vieux. Or, qui dit garder dit s’exposer de longues heures au soleil parfois excessif, à la pluie éventuelle, au vent mauvais, toutes choses supportables si l’on travaille, mais peu compatibles avec l’inactivité.
A ce point il devient tout à fait éclairant de réaliser que le même mot de garde, utilisé à la campagne et à l’armée, entraîne l’usage d’un autre mot identique, lié au même besoin d’abri sommaire, celui de guérite. (gariotte)
Les gariottes-guerites seront donc ces abris individuels étroits et dépourvus d’huisserie des bergers de toutes sortes. Et comme il faut rester sur ou en bordure de parcelles, là où sont murettes et cayrous, eh bien ce sera dans l’épaisseur de ces derniers qu’elles seront aménagées…..
Les caselles se prêtaient donc à un grand nombre de fonctions, décelables à certains détails d’aménagement intérieur ou extérieur :
- abri de vigne (présence d’une banquette circulaire ou de dalles encastrées faisant office de sièges);
- garde-pile dans le périmètre de la ferme (à côté d’une aire de battage dallée);
- cellier à l’intérieur de la ferme ou dans la vigne même (avec cuve, barriques et matériel vinaire);
- poulailler, dans la ferme ou en plein champ (avec orifice d’accès pour les volatiles sous la rive de la toiture, perchoirs et niches à l’intérieur pour la ponte);
- soue ou étable, précédée d’une courette, dans la cour de ferme (pour abriter le cochon familial, ou une chèvre ou encore deux ou trois brebis);
- écurie pour un âne ou un mulet (entrée plus haute que celle des autres cabanes);
- bergerie, au sein de la ferme ou dans les champs ou les bois (pour abriter, selon sa taille, de 10 à 20 moutons);pigeonnier, fonction dévolue à l’espace sous le couvrement, accessible par un trappe dans un plancher, l’espace inférieur étant réservé à une autre fonction (des corbeilles d’osier accueillaient les volatiles, dont l’accès se faisait par un rudiment de lucarne);
- dans le périmètre de la ferme, chambre à coucher pour un domestique (grande lucarne sur le toit ou fenêtre sous le toit)
- habitation temporaire, aux époques de travaux dans les champs ou les vignes éloignés (présence d’une cheminée, d’un évier, de niches, d’un dallage, éventuellement d’une citerne extérieure)
- habitation permanente, avec pour occupant un ouvrier agricole, souvent célibataire, ou une femme seule, indigente.
Sources :
– Caselles du Quercy. Roger SENAT, Gérard CANON. Editions du Laguet MARTEL 2001
– L’architecture rurale en pierre sèche du Lot.
CERAPS Paris 1977
– Caselle. Wikipédia