De Cordes à Pézenas… une affaire de draps


De Cordes à Pézenas … sortie des 1,2 et 3 octobre 2021

Au cœur du beau XIIIème siècle, – fondation de Cordes –
Pézenas est une ville marchande, associée à sa voisine Montagnac dans un cycle annuel de cinq foires, que l’on a souvent comparé, pour le Midi, à celui des foires de Champagne, pour le Nord.
La position géographique est intéressante : à la croisée des chemins est – ouest, du Rhône aux Pyrénées et à la Garonne (l’ancien chemin d’Héraklès, la voie Domitienne, le chemin de la reine Juliette…) et sud-nord, de la mer à la montagne riche en minerais, au cœur de la vallée de l’Hérault.
A la différence de Cordes, qui n’est pas sur des axes de passage.

Dès le premier âge du Fer, à Pézenas s’est constitué un îlot de peuplement, qui commerce avec le monde méditerranéen ; c’est ensuite une colonie de droit latin, dont Pline vante la qualité des laines, mais qui disparait bien vite sous l’effet des invasions et des limons du fleuve.
Le site, la fin du Xe siècle, n’est plus occupé que par un pauvre « castrum » sur une « motte féodale » défendant le passage de l’Hérault et l’accès à la Montagne noire orientale. C’est aux Capétiens que Pézenas doit, avec son rattachement au domaine royal, une première fortune.
Saint-Louis est roi de France depuis 1226 (Blanche de Castille) – Le traité de Paris 1229 rattache les terres du comte de Toulouse à la couronne de France. Pézenas est achetée par Saint-Louis en 1262 à la famille Salvignac, et le souverain lui accorde sa première foire marchande. Il fait aussi construire un pont sur l’Hérault entre Pézenas et Montagnac.
D’autres foires vont suivre, qui feront sa renommée jusqu’ au début du XIXème siècle. Pour la fête de la Nativité de la Vierge en septembre, la Saint – Amans, début novembre, le lundi de Pentecôte, places et rues sont encombrées par les « ala » et « tabularia » des marchands et changeurs.
Cette activité d’échanges est à l’origine du développement de la ville.
Montpelliérains, mais aussi marchands de la sénéchaussée de Toulouse, Provençaux, Dauphinois, Savoyards, Piémontais et Florentins viennent y chercher épices, merceries, mais surtout ces pièces de « petits draps » fabriquées par les paysans des avant-monts du Massif Central et des Pyrénées.

Dans le Languedoc des négociants en toiles font travailler les tisserands du pays et vont vendre les productions sur les foires des villes. Habiles intermédiaires, ils vont s’enrichir très rapidement.
Ces marchands sont protégés dans leurs voyages (Hospitaliers) et leurs transactions (lettres de change). Pendant la durée de la foire les personnes qui la fréquentent bénéficient d’une protection spéciale. En échange, le roi tire des profits importants des péages et autres « tasques », la ville des loyers et de l’afflux de populations.
Jacques Cœur, le Grand Argentier du roi Charles VII, ne s’y trompe pas : au lendemain de la Guerre de Cent Ans, vers 1455, il afferme plusieurs années durant les foires de Pézenas – Montagnac.

Aux XVIIème et XVIIIème siècles encore, bien qu’ayant beaucoup perdu de leur rayonnement, ces foires restent un bon « baromètre » de l’économie languedocienne.
Les prix des matières premières textiles y sont établis.
C’est Antoine Berry, né à Cordes en 1641 (décédé en 1705) et marié à Marie Ladevèze, qui commercialise le premier les toiles de lin et de chanvre fabriquées par les tisserands de Cordes. Il avait sa maison au Fourmiguier, qui fut détruite en 1950. Son petit-fils, Pierre-Jean, sera consul de Cordes en 1779/1780.
Mais c’est la 4ème génération, celle de Jean Berry (1785-1866) qui fit la fortune familiale. Très actif négociant, il partait plusieurs mois avec son train de mules chargées des pièces de toiles et de draps de lits, vendant et prenant les commandes. Il se rendit par la suite à la célèbre foire de Beaucaire, et allait jusqu’à Lyon. Il plaça sa fortune ainsi acquise principalement en terres, dans les plaines et les collines entourant Cordes.
Un autre négociant en toile, Barthe, avait, à la Révolution, 463 clients en Languedoc, dont : Bédarieux 49, Lodève 41, Montpellier 35, Pézenas 22, Clermont 21, Nimes 15, Mèzes 15, Narbonne 7 etc…
Cordes était alors une « ville drapante » dont la production était assez forte pour alimenter un trafic régulier.
Aujourd’hui, le traditionnel marché hebdomadaire de Pézenas, transféré du jeudi au samedi par lettres patentes du roi Charles VIII du 28 novembre 1484, est une zone d’influence commerciale qui s’étend sur une trentaine de villages alentours : « le Pays de Pézenas »

Sources

  • Les foires en Languedoc au moyen âge – Jean Combes Annales Année 1958 pp. 231-259
  • Archives Départementales du Tarn
  • Histoire de la ville de Pézenas